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Pierre Martin (l'Auberge rouge) revisité (1773-1833)

Filiatus

Maître Poète
#1
De nombreuses versions existent
Sur les tueries de Peyrebeille
Celle, officielle, des juristes
Celle du pitre de Marseille

Celle des nouveaux complotistes
Qui jurent qu'on est dans l'erreur
Et la dernière sur la liste
Celle du grand revisiteur

Dans la famille Martin, Pierre
Est le dernier de la fratrie
De quatre insupportables frères
Qui se chamaillent jour et nuit

Ils logent au bout de l'Ardèche
Là, où le vent souffle à cœur joie
Sur une Loire qui s'assèche
Quand la neige brûle de froid

Lorsque ses frères sont adultes
Quand la Révolution sévit
Au lieu de s'adonner au culte
De Robespierre et compagnie

Ils s'enrôlent dans une bande
D'énergumènes assassins
Qui dans le Vivarais répandent
La terreur du soir au matin

C'est durant cette âpre période
Que Pierre et Marie s'épousaillent
Après un an ou deux d'exode
Avec leur minable bétail

Tandis que ses horribles frères
Tourmentent les honnêtes gens
Pierre trouve un bon pied-à-terre
Dans la commune de Mazan

Sous l'Empire, l'aîné des frères
Se fait tuer près de Saint-Cierge
Le second part pour les galères
Le dernier achète une auberge

Située de manière idéale
À la croisée de grands chemins
Pas un voyageur à cheval
N'ignorait cet ange-gardien

C'est là que naissent ses deux filles
Et si ce n'est le paradis
La joie règne dans la famille
On embauche même un commis

Un jour d'hiver mil huit cent neuf
Les vivres viennent à manquer
L'auberge est pleine comme un œuf
Mais tous les chemins sont gelés

Alors les hôteliers se servent
Dans les valises des clients
Et en plus de quelques conserves
Volent quelques pièces d'argent

Un matin que l'auberge est vide
Un voyageur aventureux
Vient chez eux, l'allure livide
Agoniser au coin du feu

En fouillant dans son beau costume
Ils trouvent des milliers de francs
Lors, rapidement, ils l'inhument
Et confisquent tout son argent

Aucune plainte, aucune enquête
Ne venant chasser leurs démons
Les Martin se mettent en quête
De voler d'autres maquignons

Et pour avoir aimé ce havre
De riches marchands de bovins
Sont changés en pauvres cadavres
Pour goûter au repos divin

Sans que personne ne s'émeuve
Bien d'autres meurent à leur tour
Sans un soupçon, sans une preuve
Les troupeaux finissent au four

Pendant près de vingt ans encore
Aidé par filles et neveux
Le trio joue avec les morts
Qu'il élimine par le feu

Jusqu'au jour où, sur une berge
De la froide rivière Allier
À deux ou trois lieues de l'auberge
On trouve le corps d'un noyé

Sachant après très courte enquête
Que le mort coucha à l'hôtel
Aussitôt la police arrête
Les Martin et les demoiselles

Le juge d'instruction dénombre
Plus de cinquante disparus
Et attribue ces zones d'ombre
À l'aubergiste et sa tribu

Dans le procès enfin qui s'ouvre
En juin mil huit cent trente-trois
Dame justice ne découvre
Que deux ou trois assassinats

Mais parfois un seul peut suffire
Surtout à cette dure époque
On peut se faire raccourcir
Par l'exécuteur Pierre Rocq

Tous les trois sont jugés coupables
D'un meurtre et de deux tentatives
Les autres n'étant que des fables
De la mémoire collective

La justice enfin les condamne
À mourir sous la guillotine
Lors, une longue caravane
Vers l'hôtellerie s'achemine

Lorsqu'à l'horloge midi sonne
Pour assister au sacrifice
On compte vingt mille personnes
Dix mille selon la police
 
#2
Merci pour ce magnifique récit d'une tranche de vie.
J'ai du lire le livre 3 ou 4 fois, vu le film 2 fois et visiter l'auberge 2 fois. Étant native de la région
Amicalement
Gaby